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l’île du docteur moreau

les monstres. Peu à peu j’en vins à passer la plus grande partie de mon temps sur le rivage, cherchant des yeux quelque voile libératrice qui n’apparaissait jamais, et, un jour, s’abattit sur nous un épouvantable désastre qui revêtit d’une apparence entièrement différente l’étrange milieu où je me trouvais.

Ce fut environ sept ou huit semaines après mon arrivée — peut-être plus, car je n’avais pas pris la peine de compter le temps — que se produisit la catastrophe. Elle eut lieu de grand matin — vers six heures, je suppose. Je m’étais levé et j’avais déjeuné tôt, ayant été éveillé par le bruit que faisaient trois bipèdes rentrant des provisions de bois dans l’enclos.

Quand j’eus déjeuné, je m’avançai jusqu’à la barrière ouverte contre laquelle je m’appuyai, fumant une cigarette et jouissant de la fraîcheur du petit matin. Bientôt Moreau parut au tournant de la clôture et nous échangeâmes le bonjour. Il passa sans s’arrêter et je l’entendis, derrière moi, ouvrir puis refermer la porte de son laboratoire. J’étais alors si endurci par les abominations qui m’entouraient que j’entendis, sans la moindre émotion, sa victime, le puma femelle, au début de cette nou-