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l’île du docteur moreau

en un mot à s’acquitter de tous les menus soins domestiques qu’on lui demandait. C’était un spécimen complexe de l’horrible habileté de Moreau, un ours mêlé de chien et de bœuf, et l’une des plus laborieusement composées de ses créatures. M’ling traitait Montgomery avec un dévouement et une tendresse étranges ; quelquefois celui-ci le remarquait, le caressait, lui donnant des noms mi-moqueurs et mi-badins, à quoi le pauvre être cabriolait avec une extraordinaire satisfaction ; d’autres fois, quand Montgomery avait absorbé quelques doses de whisky, il le frappait à coups de pieds et de poing, lui jetait des pierres et lui lançait des fusées allumées. Mais bien ou mal traité, M’ling n’aimait rien tant que d’être près de lui.

Je m’habituais donc à ces monstres, si bien que mille actions qui m’avaient semblé contre nature et répugnantes devenaient rapidement naturelles et ordinaires. Toute chose dans l’existence emprunte, je suppose, sa couleur à la tonalité moyenne de ce qui nous entoure : Montgomery et Moreau étaient trop individuels et trop particuliers pour que je pusse, d’après eux, garder, bien définies, mes impressions générales d’humanité. Si j’apercevais quelqu’une des créatures bovines — celles de la cha-