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l’île du docteur moreau

à Arica pour trafiquer avec l’agent de Moreau, qui faisait, en cette ville, commerce d’animaux. Ce n’est pas dans ce village maritime de métis espagnols qu’il rencontrait de beaux types d’humanité, et les hommes, à bord du vaisseau, lui semblaient d’abord, me dit-il, tout aussi étranges que les hommes-animaux de l’île l’étaient pour moi — les jambes démesurément longues, la face aplatie, le front proéminent, méfiants, dangereux, insensibles. De fait, il n’aimait pas les hommes et son cœur s’était ému pour moi, pensait-il, parce qu’il m’avait sauvé la vie.

Je me figurai même qu’il avait une sorte de sournoise bienveillance pour quelques-unes de ces brutes métamorphosées, une sympathie perverse pour certaines de leurs manières de faire, qu’il s’efforça d’abord de me cacher.

M’ling, le bipède à la face noire, son domestique, le premier des monstres que j’avais rencontrés, ne vivait pas avec les autres à l’extrémité de l’île, mais dans une sorte de chenil adossé à l’enclos. Il n’était pas aussi intelligent que l’Homme-Singe, mais beaucoup plus docile, et c’est lui qui, de tous les monstres, avait l’aspect le plus humain. Montgomery lui avait appris à préparer la nourriture et