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l’île du docteur moreau

le ravin une parodie d’humanité. Montgomery en sait quelque chose, car il s’immisce dans leurs affaires. Il en a dressé un ou deux à nous servir. Il en a honte, mais je crois qu’il a une sorte d’affection pour quelques-uns de ces êtres. C’est son affaire, ça ne me regarde pas. Ils me donnent une impression de raté qui me dégoûte. Ils ne m’intéressent pas. Je crois qu’ils suivent les règles que le missionnaire canaque a indiquées et qu’ils ont une sorte d’imitation dérisoire de vie rationnelle — les pauvres brutes ! Ils ont quelque chose qu’ils appellent la Loi, ils chantent des mélopées où ils proclament tout à lui. Ils construisent eux-mêmes leurs repaires, recueillent des fruits et arrachent des herbes — s’accouplent même. Mais je ne vois clairement dans tout cela, dans leurs âmes mêmes, rien autre chose que des âmes de bêtes, de bêtes qui périssent — la colère et tous les appétits de vivre et de se satisfaire… Pourtant, ils sont étranges, bizarres — complexes comme tout ce qui vit. Il y a en eux une sorte de tendance vers quelque chose de supérieur — en partie faite de vanité, en partie d’émotion cruelle superflue, en partie de curiosité gaspillée. Ce n’est qu’une singerie, une raillerie… J’ai quelque espoir pour ce puma. J’ai