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l’île du docteur moreau

fermées, qu’il ne fut plus raide et endolori, qu’il put dire quelques mots, je l’emmenai là-bas et le présentai aux Canaques comme un nouveau compagnon.

D’abord, ils eurent horriblement peur de lui — ce qui m’offensa quelque peu, car j’éprouvais un certain orgueil de mon œuvre — mais ses manières paraissaient si douces, et il était si abject qu’au bout de peu de temps ils l’acceptèrent et prirent en main son éducation. Il apprenait avec rapidité, imitant et s’appropriant tout, et il se construisit une cabane, mieux faite même, me sembla-t-il, que leurs huttes. Il y en avait un parmi eux, vaguement missionnaire, qui lui apprit à lire ou du moins à épeler, lui donna quelques idées rudimentaires de moralité, mais il paraît que les habitudes de la bête n’étaient pas tout ce qu’il y avait de plus désirable.

Après cela, je pris quelques jours de repos, et j’eus l’idée de rédiger un exposé de toute l’affaire pour réveiller les physiologistes européens. Mais, une fois, je trouvai ma créature perchée dans un arbre, jacassant et faisant des grimaces à deux des Canaques qui l’avaient taquinée. Je la menaçai, lui reprochai l’inhumanité d’un tel procédé,