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l’île du docteur moreau

ment et le changer beaucoup. Quand j’eus fini et qu’il fut là, devant moi, lié, bandé, immobile, je jugeai que c’était un beau spécimen du type négroïde. Je ne le quittai que quand je fus certain qu’il survivrait, et je vins dans cette pièce, où je trouvai Montgomery dans un état assez semblable au vôtre. Il avait entendu quelques-uns des cris de la bête à mesure qu’elle s’humanisait, des cris comme ceux qui vous ont tellement troublé. Je ne l’avais pas admis entièrement dans mes confidences, tout d’abord. Les Canaques, eux aussi, s’étaient mis martel en tête, et ma seule vue les effarouchait. Je regagnai la confiance de Montgomery, jusqu’à un certain point, mais nous eûmes toutes les peines du monde à empêcher les Canaques de déserter. À la fin, ils y réussirent, et nous perdîmes ainsi le yacht. Je passai de nombreuses journées à faire l’éducation de ma brute — en tout trois ou quatre mois. Je lui enseignai les rudiments de l’anglais, lui donnai quelque idée des nombres, lui fis même lire l’alphabet. Mais il avait le cerveau lent — bien que j’aie vu des idiots plus lents certainement. Il commença avec la table rase, mentalement, il n’avait dans son esprit aucun souvenir de ce qu’il avait été. Quand ses cicatrices furent complètement