Page:Wells Ile du Docteur Moreau 1896.djvu/126

Cette page a été validée par deux contributeurs.
114
l’île du docteur moreau

étouffer ma voix. Derrière eux, se précisaient les faces curieuses des monstres, leurs yeux interrogateurs, leurs mains informes pendantes, leurs épaules contrefaites. Ils paraissaient, comme je me l’imaginais, s’efforcer de me comprendre, de se rappeler quelque chose de leur passé humain.

Je continuai à vociférer mille choses dont je ne me souviens pas : sans doute que Moreau et Montgomery pouvaient être tués ; qu’il ne fallait pas avoir peur d’eux. Telles furent les idées que je révélai à ces monstres pour ma perte finale. Je vis l’être aux yeux verts et aux loques sombres, qui était venu au-devant de moi, le soir de mon arrivée, sortir des arbres et d’autres le suivre pour mieux m’entendre.

Enfin, à bout de souffle, je m’arrêtai.

— Écoutez-moi un instant, fit Moreau de sa voix ferme et brève, et après vous direz ce que vous voudrez.

— Eh bien ? dis-je.

Il toussa, réfléchit quelques secondes, puis cria :

— En latin, Prendick, en mauvais latin, en latin de cuisine, mais essayez de comprendre. Hi non sunt homines, sunt animalia quæ nos habemus… vivisectés. Fabrication d’humanité. Je vous expliquerai. Mais sortez de là.