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l’île du docteur moreau

Bientôt le sol, gras et bourbeux, céda sous mes pieds ; mais, avec une énergie désespérée, je m’y jetai tête baissée, barbotant jusqu’aux genoux, et je parvins enfin à un sentier sinueux entre de grands roseaux. Le tumulte de la poursuite s’éloigna vers la gauche. À un endroit, trois étranges animaux roses, de la taille d’un chat, s’enfuirent en sautillant devant moi. Ce sentier montait à travers un autre espace libre, couvert d’incrustations blanches, pour s’enfoncer de nouveau dans les roseaux.

Puis, soudain, il tournait, suivant le bord d’une crevasse à pic, survenant comme le saut-de-loup d’un parc anglais, brusque et imprévue. J’arrivais en courant de toutes mes forces et ne remarquai ce précipice qu’en m’y sentant dégringoler dans le vide.

Je tombai, la tête et les épaules en avant, parmi des épines, et me relevai, une oreille déchirée et la figure ensanglantée. J’avais culbuté dans un ravin escarpé, plein de roches et d’épines. Un brouillard s’enroulait en longues volutes autour de moi, et un ruisselet étroit d’où montait cette brume serpentait jusqu’au fond. Je fus étonné de trouver du brouillard dans la pleine ardeur du jour, mais je n’avais pas le loisir de m’attarder à réfléchir.