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l’île du docteur moreau

me glissai dans un enchevêtrement de lianes et de fougères, attendant l’issue de la poursuite. J’entendis le chien — il n’y en avait qu’un — s’approcher et aboyer quand il traversa les épines. Puis tout bruit cessa et je commençai à croire que j’avais échappé.

Les minutes passaient, le silence se prolongeait et enfin, au bout d’une heure de sécurité, mon courage me revint.

Je n’étais plus alors ni très terrifié, ni très misérable, car j’avais, pour ainsi dire, dépassé les bornes de la terreur et du désespoir. Je me rendais compte que ma vie était positivement perdue, et cette persuasion me rendait capable de tout oser. Même, j’avais un certain désir de rencontrer Moreau, de me trouver face à face avec lui. Et puisque j’avais traversé l’eau, je pensai que si j’étais serré de trop près, j’avais au moins un moyen d’échapper à mes tourments, puisqu’ils ne pouvaient guère m’empêcher de me noyer. J’eus presque l’idée de me noyer tout de suite, mais une bizarre curiosité de voir comment l’aventure finirait, un intérêt, un étrange et impersonnel besoin de me voir moi-même en spectacle me retint. J’étirai mes membres engourdis et endoloris par les déchirures des épines ; je regardai les arbres autour de moi, et, si soudai-