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les pirates de la mer

ses regards sur son interlocuteur. — Mais pourquoi ne le mangez-vous pas vous-même ?… Et d’ailleurs comment est-il venu en votre possession ?

— Elle ne se flétrit jamais ! Il y a trois mois que je la possède et elle est toujours brillante, et lisse, et mûre, et désirable comme vous la voyez.

Il posa sa main sur son genou et considéra la pomme d’un air rêveur, puis il se mit à l’envelopper de nouveau dans ses papiers comme s’il avait modifié son intention de la donner.

— Mais comment l’avez-vous obtenue ? — demanda M. Hinchcliff qui avait l’esprit argumentatif — et comment savez-vous que c’est le fruit de l’Arbre ?

— J’ai acheté ce fruit, — dit l’étranger, — il y a trois mois, pour une gorgée d’eau et une croûte de pain. L’homme qui me le céda, parce que mes soins lui avaient conservé la vie, était Arménien. L’Arménie ! cette contrée merveilleuse ! la première de toutes les contrées ! où l’arche de Noé est restée, jusqu’à ce jour, ensevelie dans les glaciers du mont Ararat. Cet homme, dis-je, fuyant avec d’autres devant les Kurdes qui les avaient surpris, parvint en des endroits déserts dans les montagnes… en des endroits que nul au monde ne connaît. Fuyant devant ceux qui les poursuivaient, ils arrivèrent sur un haut plateau entre les pics des montagnes. Il y croissait une herbe verte dont les brins étaient comme des