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les pirates de la mer

— Pourtant, ça n’est pas si mauvais, — soliloquait Harringay. — Il y a bien ce bout de cou… Mais !…

Il se mit à faire les cent pas dans l’atelier, examinant son tableau en tous sens et sous tous les aspects. Enfin, il laissa échapper un gros mot qui fut donné dans la version originale.

— Peindre ! — marmottait-il. — Vouloir peindre tout bonnement un joueur d’orgue, un simple portrait ! S’il s’agissait de fabriquer un joueur d’orgue vivant, je ne me tourmenterais pas tant ! C’est surprenant ! Je n’arrive jamais à rien faire qui ait l’air vivant. Je me demande si ce n’est pas mon imagination qui a tort ?

Ceci, également, a quelque tournure de vérité. En effet, son imagination doit avoir tort.

— Ah ! le toucher créateur ! Prendre une toile et des couleurs, et faire un homme, comme Adam fut fait de terre rouge. Mais ce barbouillage-là ! On le verrait chez quelque brocanteur en passant, qu’on le prendrait pour une pochade. Les gamins crieraient : Faut le faire encadrer… Ça ne peut pas rester ainsi, allons, quelques légères retouches !

Il alla vers le vitrage et baissa les stores de toile de Hollande bleue qui s’enroulaient au bas de la fenêtre. Il prit sa palette, ses pinceaux, son appuie-main, et, s’installant devant le tableau, il accusa les coins de la bouche ; de là, il appliqua toute son