LA CHAMBRE ROUGE
— Je vous affirme qu’il faudrait un fantôme bien tangible pour m’effrayer !
Je me levai devant le feu, avec mon verre à la main.
— C’est vous qui le voulez, — fit l’homme au bras paralysé en me regardant de travers.
— Voilà vingt-huit ans que j’existe, et jamais encore je n’ai vu de fantôme.
La vieille femme restait assise, ses yeux pâles et grands ouverts regardant fixement les flammes.
— Hé ! — fit-elle, — vous avez vécu vingt-huit ans et vous n’avez jamais vu de maison pareille à celle-ci, je pense. Il y a encore beaucoup de choses à voir quand on n’a que vingt-huit ans… et bien des choses à voir et à souffrir.
Elle balançait lentement sa tête. Je soupçonnais que les deux vieillards essayaient d’augmenter, par leur monotone insistance, les terreurs que leur maison inspirait à l’esprit. Je reposai sur la table mon verre vide et j’examinai la pièce où nous étions ; je m’aperçus raccourci et élargi jusqu’à une impos-