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répand qu’un chambellan de l’empereur de Russie vient de descendre à l’Hôtel du Rhin, et qu’il machine de nous enlever, pour le Théâtre-Michel, quelqu’un de nos artistes favoris, notre presse éclate en gémissements et en réclamations. Si quelque élève distingué du Conservatoire trouve l’occasion dans les derniers six mois de son cours d’études, d’obtenir à l’étranger des conditions brillantes pour jouer et chanter en français, il faut qu’il repousse les présents d’Artaxercès : l’Administration des théâtres s’oppose à son départ ou à sa fuite ; elle se dresse, devant lui, inflexible, avec le règlement de 1850, l’ordonnance royale de 1847, le décret de Moscou et quantité d’autres documents. Pour ce qui est de la très honorable, mais un peu chicanière Société des auteurs dramatiques, elle n’est occupée qu’à exciter notre diplomatie à préparer et à conclure des traités sur la propriété littéraire, qui écraseront l’hydre de l’Adaptation et qui réduiront tout l’univers à alimenter la caisse des Peragallo de l’avenir ; à moins que l’univers lassé ne prenne le parti de s’abstenir de jouer nos pièces. Qu’est-ce que tout cela ? C’est la France élevant elle-même des obstacles à la diffusion de la langue française et de l’esprit français.

Avant l’année 1870, et depuis près d’un siècle, le domaine européen de la langue française s’était déjà bien tristement rétréci. La langue française