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Une seule chose serait ici de ma compétence, ce serait de rechercher les effets que pourra produire sur l’art de jouer la comédie l’attribution de la croix aux comédiens. Je crains qu’ils ne soient pas bons. Je crains que le sentiment de la croix obtenue ou de la croix à obtenir ne rende messieurs les sociétaires encore plus enclins qu’ils ne le sont depuis quelques années à s’exagérer la grandeur de leur apostolat. Car ce sont décidément des apôtres. Les rencontrez-vous quelquefois aux abords du Palais-Royal, quand ils se rendent à la répétition ! Ils portent leur tête comme saint Luc. À la ville, cela les regarde. Le chiendent — je demande pardon à ces hauts missionnaires de l’art de la vulgarité du terme — le chiendent est qu’à la scène ils gardent le même port de tête, même quand le personnage qu’ils représentent exigerait un peu moins de majesté.

Pour M. Delaunay, quel méchant tour lui a joué tout de suite la croix ! Il était occupé à donner ses représentations d’adieu. Rien ne le retenait plus ; on le croyait bien décidé. Quand il a reçu la croix des mains du ministre, ç’a été comme si son cœur se dégonflait d’un secret chagrin. Il s’est écrié : « Je ne m’en vais plus ; je resterai à la Comédie jusqu’à ce qu’on me renvoie. » Mot d’infiniment de bonne grâce ! Mais quelle folie !