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même des ouvrages dramatiques, on arriverait à poser cet aphorisme d’histoire littéraire que les grands effets de la décoration et de la machinerie ne se produisent que dans les temps d’épuisement et de décadence dramatiques, quand, le grand des caractères et des passions n’étant plus traité par les auteurs, le théâtre tombe dans la recherche, dans les curiosités de détail, dans le spécialisme outré des sujets, dans la platitude. On peut jouer le Misanthrope avec six fauteuils et le Jeu de l’Amour et du Hasard avec trois chaises ; on peut jouer les drames psychologiques de Racine, où le tragique des événements s’exprime par l’analyse pathétique et profonde des sentiments, dans une salle éclairée de chandelles fumeuses, construite selon la forme incommode d’un parallélogramme allongé, qui n’a pour toiture qu’une grande toile suspendue par des cordages ; on peut jouer le Dépit amoureux dans une grange. Shakspeare lui-même, qui par la nature de son génie et sa méthode de composition théâtrale semble avoir besoin d’un appareil si compliqué, Shakspeare s’est joué, à l’origine, sans autres décors que des poteaux indicateurs qui portaient des inscriptions comme celles-ci : « Supposez qu’il y a ici une forêt. — Ici est un donjon. — Ceci est la plaine. — Là est la ville d’York. » L’utilité et la nécessité du décor se développent à