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neille et pendant plus d’un siècle, la coutume était que les mêmes décors servissent pour toutes les pièces tragiques. Il y avait cinq ou six décors types ; le décor salon, le décor jardin ou forêt, le décor palais, le décor place publique, conçus d’après un dessin assez vague et assez général pour s’adapter à tout. Notre génération a connu ce système de décors uniformes au Théâtre-Italien ; il est encore pratiqué en province, dans les villes de trente mille âmes et au-dessous. Une même pièce exigeait-elle trois décors différents et successifs, on les juxtaposait sur la scène. Les acteurs passaient instantanément, et sans baisser de rideau ni aucun changement à vue, du milieu du théâtre où il y avait « un beau palais », sur l’un des côtés, où l’on voyait « une mer avec un vaisseau garni de mâts », et ensuite, sur l’autre côté, où s’ouvrait « une belle chambre avec un lit bien paré » et les draps mis.

C’est qu’alors, dans la représentation, tout tenait à l’action ; elle tenait lieu de tout ; elle suffisait pour occuper la scène, parce qu’autant que nous pouvons le conjecturer, la démarche des acteurs, leur attitude leur geste, leur accent, leur voix étaient bien plus en saillie qu’aujourd’hui. On ne marchait pas, à proprement parler, sur la scène ; suivant l’expression racinienne, on portait ses pas. On ne disait pas la syllabe ; on la posait. On ne débitait pas le vers ; on le