Page:Weiss - À propos de théâtre, 1893.djvu/378

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qui a ramassé un jour tout ce qui était abattu et renversé pour s’en faire une foi inébranlable, lui qui a su dire en vers éternels :


Fût-on cent millions d’esclaves, je suis libre ;
Et ce qui brise un peuple avorte aux pieds d’un homme.


Hugo ne s’est pas contenté de créer des héros de l’épopée et du drame ; il a fait briller en sa propre personne lorsqu’il l’a fallu, leur héroïque vertu. Sans doute, au 2 décembre, l’héroïsme lui a été plus facile et plus commode qu’à beaucoup d’autres ; c’est ce que n’ont pas manqué d’observer à son détriment les gens nombreux qui lui reprochent d’avoir toujours su trop bien exercer le faire-valoir de son génie et même celui de ses mésaventures et de ses catastrophes politiques. Je tiens à le remarquer à mon tour, mais à son éloge. L’heure des sacrifices ne l’a pas trouvé dépourvu, et précisément à cause de cela, précisément parce qu’il avait été prévoyant, il a été en mesure de résister avec moins de souci et plus de suite à des pouvoirs tyranniques. Il s’était ménagé assez de bien pour pouvoir écrire les Châtiments du fond d’un sûr asile, et pour demeurer fidèle à l’engagement qu’il prenait de rester le dernier au poste de haine et de combat.

Non equidem invideo, miror magis.