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pour une forte part. Victor Hugo enfin n’a pas la primauté dans la grande époque poétique française qui, annoncée par René, le Génie du Christianisme, le livre de l’Allemagne, s’ouvre et se déploie avec les Méditations et se repaît pendant trente années d’idéal, d’amour, de rêve et d’infini, avant de venir expirer à Madame Bovary, aux théories morales de M. Taine et à l’étroite conception politique du législateur de 1852. Non ! pas plus dans notre xixe siècle français que dans l’ensemble de la littérature française, il n’y a un dieu de la poésie s’élevant suprême, isolé, dévorateur de tout le reste, sur des sommets inaccessibles où le commun des génies le contemple et lui voue une adoration qui n’est due qu’à lui.

Pas plus dans l’ordre de la pensée que dans l’ordre de l’imagination, Victor Hugo n’est ce dieu. Chateaubriand, Lamartine, Staël, Sand, Musset, Michelet, pour ne citer que ceux-là, d’une part ; Lamarck, Cuvier, Étienne Geoffroy-Saint-Hilaire, Claude Bernard, d’autre part, ne se rangent pas autour de Victor Hugo comme autour d’un centre générateur ou d’une colonne lumineuse et culminante, émergée du milieu d’eux ; les dates seules s’y opposeraient. Assemblez en un groupe, aussi rare qu’il vous plaira de le faire, les grandes imaginations et les grands esprits du xixe siècle, Hugo sera