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fait monter sur le trépied Ruy-Blas et le fait prophétiser devant le Conseil de Castille et le fait répandre sa voix en lamentations et en anathèmes. Relisez les journaux de l’an 1832 ; collectionnez toutes les objurgations véhémentes qu’adressaient au gouvernement de Louis-Philippe ceux qui avaient conçu les trois journées comme la première revanche de Leipzig et de Waterloo, vous aurez la substance et le ton, non pas de tout le discours de Ruy-Blas, mais de l’invocation de Charlemagne qui le termine :


… Ô Géant, se peut-il que tu dormes ?
On vend ton sceptre au poids ! Un tas de nains difformes
Se taillent des pourpoints dans ton manteau de roi ;
Et l’aigle impérial qui, jadis sous ta loi,
Couvrait le monde entier de tonnerre et de flamme,
Cuit, pauvre oiseau plumé, dans leur marmite infâme.


Il n’y a pas à s’y méprendre ; le géant, c’est Napoléon ; l’aigle impérial, c’est celui d’Austerlitz et d’Iéna, et la marmite infâme où cuit le pauvre oiseau plumé, c’est le gouvernement du roi Louis-Philippe. On pourrait même retrouver qui était le nain difforme. Je ne dis pas que Victor Hugo eût tout cela dans sa pensée. Victor Hugo concevait trop grand pour faire de petites allusions. Je dis que la péroraison de la harangue de Ruy-Blas a un ton