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appel aux barricades contre le roi des barricades !

Malheureusement Victor Hugo lui-même est venu au secours de ses adversaires et de ses accusateurs. Il a accepté, pour s’en glorifier, le point de vue superficiel de sa subite et brutale transformation de monarchiste en démocrate. Il l’a accrédité et consacré dans la fameuse préface des Odes et Ballades, datée de juillet 1853 et lancée au monde de la solitude de Jersey. Jamais le genre d’illusion grammaticale et philosophique, particulier à Victor Hugo, qui lui a fait prendre cent et cent fois les oppositions de mots pour des chocs d’idées et les symétries de faits historiques, balancés les uns par les autres, pour des théories concluantes, ne lui a inspiré une page plus singulière et plus inattendue :


« L’histoire s’extasie volontiers sur Michel Ney qui, né tonnelier, devint maréchal de France, et sur Murat qui, né garçon d’écurie, devint roi… De toutes les échelles qui mènent de l’ombre à la lumière, la plus méritoire et la plus difficile, c’est celle-ci : Être né aristocrate et royaliste et devenir démocrate… S’il est vrai que Murat aurait pu montrer avec quelque orgueil son fouet de postillon à côté de son sceptre de roi et dire : « Je suis parti de là », c’est avec un orgueil plus légitime certes et avec une conscience plus satisfaite qu’on peut montrer ces odes royalistes