Page:Weiss - À propos de théâtre, 1893.djvu/326

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
304
A PROPOS DE THÉATRE

à la langue sacrée et aux invocations des derviches hurleurs. De ce récipiendaire converti en pupitre pour porter le Coran ; de cette énumération macabre de toutes les religions, dont la multiplicité rappelée et secouée d’une façon irrévérencieuse trahit l’intention d’éveiller dans les esprits l’idée confuse de leur commune vanité, on ne trouve pas même le germe dans la cérémonie de réception des derviches. Non, non, ce n’est pas ici seulement une parodie spéciale du Coran, c’est un jet violent d’ironie qui frappe en plein le sentiment religieux. Avec sa finesse et sa justesse, avec sa longue pratique des hommes et des choses au temps de Louis XIV, M. Paul Mesnard m’objectera, il a déjà objecté, que ce mot de sentiment religieux, tel qu’on l’entend en France depuis Jean-Jacques ou Chateaubriand, à plus forte raison tel qu’on l’entend depuis Renan, n’avait aucun sens au xviie siècle ; que si aujourd’hui les religions les plus hostiles entre elles peuvent se croire toutes également menacées par de certains faits, de certains principes, de certaines dérisions qui semblent au premier abord n’en atteindre qu’une seule, au xviie siècle, au contraire, chacune d’elles prenait à l’égard des autres la position d’incompatibilité absolue qui doit régner entre la vérité sous sa face unique et l’imposture sous toutes ses faces ; qu’à supposer que les personnages les plus dévots