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Molière ait pris ou imaginé la forme de comédie-ballet seulement sur commande et pour se conformer aux désirs du roi. Sur le fonds général d’une chose commandée, voyez avec quelle liberté et quelle spontanéité se développe par degrés l’invention géniale du poète, à quel épanouissement prodigieux elle aboutit ! L’idée lui vient de mettre en scène le travers capital d’un bourgeois enrichi qui s’entête de la qualité, qui aime s’y frotter, qui finit par vouloir l’acquérir pour lui-même. Il songe à ce moment que le roi aime le ballet et les travestis, et tout ce qui se fait en pompe. Si l’on pouvait joindre à la portraiture comique du bourgeois gentilhomme une mascarade et une cérémonie ! Ainsi, Molière passe de l’idée de la comédie à celle de la cérémonie finale. Simple idée, en ce premier germe, d’amusement et de métier scénique ! On fera M. Jourdain mamamouchi ; on aura de beaux costumes turcs, un cortège magnifique, et des éclats de rire. Et voici que, après cette première trouvaille d’ordre inférieur, la secousse et l’illumination du génie se produisent ! Que serait une mascarade, pour la mascarade ? Rien. Il est donc désirable, il est nécessaire que la cérémonie sorte des entrailles mêmes de la comédie, qu’elle soit comme innée dans le cerveau de M. Jourdain, qu’elle apparaisse à tous comme une vision antérieure et préalable du travers ou du vice qu’elle vient satisfaire. Molière imagine un