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Ainsi un terrain appauvri produit les broussailles par milliers, et il ne saurait pas nourrir un bel arbre qui se détacherait dans sa vigueur solitaire.

M. Sarcey remarquait dernièrement que les auteurs dramatiques du jour ne croient plus à leur propre drame et qu’ils ne peuvent, par conséquent, nous y faire croire. Il est bien vrai qu’à une ou deux exceptions près, ils n’ont plus la foi, ni les vieux, ni les jeunes, ni ceux qu’on appelle un peu complaisamment les maîtres, ni les disciples qui travaillent d’après les modèles que leur fournissent ces maîtres d’ordre mineur. Eh ! quel effet le drame peut-il faire sur son auteur qui est en train de le construire ; quel effet même pourraient faire sur cet auteur les plus épouvantables tragédies de la vie réelle et de la société, quand il s’est habitué à employer le poison, le naufrage, l’apoplexie, le viol, le meurtre, le bagne, l’échafaud, comme de simples moyens de se tirer d’embarras dans une passe difficile, ou à titre de simples remplissages pour combler les vides d’un sujet qu’il ne sait pas voir aussi riche qu’il l’est ?

Ce touffu stérile, cet encombrement sans opulence cette incontinence sans fécondité de prologues, d’épilogues et de paralogues, on les trouve dans la comédie, dans le vaudeville et dans l’opérette comme dans le drame. Aussi on ne saurait crier trop haut