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cinq ans », soignait ses pensionnaires comme lui-même : tous les jours des huîtres, du homard, des côtelettes de présalé, des montagnes de beurre aux deux bouts de la table, le tout pour trente francs par mois. M. Sarcey ne demandait plus qu’à passer là son innocente vie, partagé entre les courses à la mer, la table succulente de son hôte, les méditations pieuses et littéraires de sa classe, les promenades en lisant les bons auteurs dans le jardin de l’abbé, son principal, qui lui avait donné une clef. Il eut l’imprudence de faire connaître son désir au ministre.

Que croyez-vous qu’il arriva ? Le potentat qui menait alors le ministère de l’instruction publique, le chef de division Lesieur, jugea impertinent qu’un professeur se plût si fort dans l’endroit où l’autorité l’avait dépêché tout exprès pour le mortifier, et M. Sarcey, sous prétexte d’avancement, fut déporté, contre son gré, de Lesneven à Rodez. Qui n’eût perdu patience ! M. Sarcey saisit la première occasion qui se présenta de renoncer à un métier qu’il aimait et qu’on le forçait de haïr. Il demanda sa mise en disponibilité qu’on eut la maladresse de lui accorder, au lieu de réserver pour les meilleurs emplois de l’enseignement un homme tel que lui, né professeur de la plante des pieds à la pointe des cheveux. Voilà comment M. Sarcey devint journa-