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comme un fleuve argenté dans un paysage imposant et mélancolique. La plainte d’Antiochus, l’effusion de désespoir de Bérénice :


Dans un mois, dans un an, comment souffrirons-nous,
Seigneur, que tant de mers me séparent de vous !


la scène finale de la séparation seront toujours aux amants, selon l’expression même du poète, l’histoire « la plus tendre et la plus malheureuse ». Elles leur seront toujours aussi une exhortation magnanime.

La tragédie de Bérénice est restée unique par la sublimité du renoncement et le personnage de Bérénice, par l’immolation de l’amour à l’amour pour l’amour même. Ce n’est ni aux lois de Rome, ni aux ordres de la nécessité, ni à un triste devoir que Bérénice offre sa résignation ; c’est à son amant et à ce que réclame la grandeur de son amant. L’amour, épuré de tout ce qui n’est pas lui, apparaît à la dernière scène de la tragédie ce qu’il est bien rarement, ce que pourtant il peut être, le plus haut degré de l’honneur et de la vertu. Rien n’égale la force et la douceur de l’émotion qui envahit cette scène à partir des paroles d’Antiochus :


Puisse le ciel verser sur toutes vos années…