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core de la forte nourriture de l’ancienne France. Je ne saurais dire avec quel soin et quel respect les artistes de l’Odéon ont joué Bérénice.

Bérénice est de l’an 1670. La tragédie de Bérénice par Racine et la comédie héroïque de Tite et Bérénice par Corneille furent représentées toutes deux, le même mois, en novembre, à sept jours de distance l’une de l’autre. On ne peut guère douter que ce ne soit Henriette d’Angleterre qui ait suggéré à Corneille et à Racine l’idée de mettre en drame l’histoire de Bérénice dont Segrais avait tiré précédemment la matière d’un roman. Les témoignages de l’abbé Dubos, de Fontenelle, de Voltaire, sont trop précis, Voltaire est trop bien renseigné sur les particularités du règne de Louis XIV. Fontenelle, qui avait treize ans en 1670, était trop déjà un contemporain de l’anecdote, qui est pour lui une anecdote de famille pour que l’on conteste la valeur de l’affirmation d’abord produite en 1719 par l’abbé Dubos, sous le seul prétexte qu’elle se produisait cinquante ans après l’événement. Il me répugne pourtant d’admettre qu’Henriette d’Angleterre, en fournissant ce sujet à Corneille et à Racine, ait pris soin de cacher également à l’un et à l’autre qu’ils seraient deux à le traiter et que c’était une joute publique qu’elle instaurait entre eux. La dissimulation sur ce point eût pris un caractère de perfidie qui répond