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avaient éveillé confusément dans la division des grandes des instincts d’amour, qui, un peu plus tôt, un peu plus tard, naissent tout seuls, rien de plus. Il ne se peut pas qu’Assuérus et Esther n’aient pas excité chez elles, sous une forme vertueuse et noble, mais d’autant plus perfide et de plus de danger, l’imagination ambitieuse, autrement puissante que l’amour sur les cœurs féminins. Le mariage d’Assuérus et d’Esther, si semblable à ce qu’on chuchotait probablement à Saint-Cyr comme ailleurs sur le compte de Louis XIV et de la veuve misérable de Scarron, ne prédisposait pas la classe des bleues à prendre un jour avec enthousiasme le genre de maris qui se pouvaient contenter d’un apport de trois mille livres ; c’est la dot que le roi offrait à ses pupilles à leur sortie de la maison de Saint-Louis. Il est à remarquer que la plupart des demoiselles qui « créèrent » des rôles dans Esther ne se marièrent pas ; soit piété ardente, soit dégoût des mariages où elles eussent été réduites, elles embrassèrent la vie religieuse. Il est à remarquer encore qu’Athalie, qui était pourtant aussi une tragédie biblique et sainte, n’eut jamais pour les habitantes de Saint-Cyr l’attrait d’Esther. On se priva aisément d’Athalie ; on revenait à Esther avec zèle, avec délices, chaque fois que s’en offrait de loin en loin, l’occasion. Esther, entre les intervalles des représentations solennelles, resta, tout