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de ces traits contradictoires réunis arbitrairement sur une seule et même physionomie ?

Voici une jeune femme qui a un cœur d’or ; elle ne fuit pas le plaisir et ne se défend pas d’un peu de coquetterie, puisqu’elle est jeune et belle ; mais elle aime son mari avec passion, elle n’hésite pas à lui sacrifier sa fortune tout entière et à embrasser courageusement la pauvreté avec lui pour un scrupule exagéré d’honneur et de vertu ; telle on nous la montre au premier acte. Au second, elle se fait enlever par un ténor qu’elle n’aime pas. Auteur de cet enlèvement baroque et grossier : M. Octave Feuillet, dont le nom est depuis si longtemps pour les âmes féminines synonyme d’exquis, d’idéal, d’infinie délicatesse.

Voici maintenant un salon de Guérande. Trois vieux amis, de braves gens tous trois, le comte, le chevalier et le docteur, jouent le piquet de la tranquille province, en gémissant sur les frasques que fait à Paris l’enfant adoptif de la maison, petit-neveu de l’un d’entre eux. Ce jeune fils de famille s’est épris « d’une fille, d’une gourgandine » et il a signifié au grand-oncle de Guérande sa volonté de l’épouser. « Une fille, vous dis-je », dit le grand-oncle à ses deux amis, et il ajoute :


« … J’ai fait prendre tous les renseignements. Une fille ! entendez-vous. Et ce qu’il y a de pis, c’est