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et naïf, ce cerveau tropical de demi-nègre de qui les inventions poétiques allaient tournoyer comme une perpétuelle bamboula, jusqu’à ce que s’abattît sur lui ce je ne sais quoi de stupide et d’impitoyable qui est si souvent la fin de tout notre esprit, de tout notre génie, de tous nos rêves, la paralysie cérébrale.

Nous n’avions jusqu’ici qu’une relation détaillée de la première représentation de Henri III en 1829, celle que donne Dumas lui-même dans ses Mémoires. Elle pouvait être suspecte. Nous en possédons, depuis cet hiver, une seconde, dans les Souvenirs de Séchan[1], l’un des témoins les plus précieux de l’histoire de la scène française entre 1825 et 1860. Dumas, dans ses Mémoires, n’a exagéré ni l’entraînement du public pour la première représentation, ni son propre succès, ni les effets de ce succès. La Malibran n’avait pu trouver de place qu’aux troisièmes loges ; on l’apercevait penchée tout entière hors de sa loge et se cramponnant de ses deux mains à une colonne pour ne pas tomber. Victor Hugo et Alfred de Vigny, déjà célèbres,

  1. Ch. Séchan, Souvenirs d’un homme de théâtre, 1831 1855. Paris. Calmann Lévy, 1883. — Malheureusement, ces souvenirs ne sont que de seconde main. Ils ont été recueillis et mis en ordre par M. Adolphe Badin.