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donnée fondamentale et dessiné de telle ou telle façon le caractère de tel ou tel de leurs personnages, ils n’en demeureront pas moins les maîtres absolus de leur donnée, de leur personnage et du spectateur lui-même ; qu’ils sont libres de tirer de la donnée tout ce qui leur passe par la tête ; qu’ils peuvent faire faire, dire et sentir par le personnage en scène tout ce qui leur plaît ; que le spectateur est un serf, court d’esprit, qui n’a plus qu’à s’incliner, et qui s’inclinera si, après qu’on lui a dit : « Voici des vessies » on lui dit : « Non, décidément, c’était des lanternes. » Eh bien, il n’y a pas de germe, si heureux et si fécond qu’il soit, qui résiste à l’effet délétère d’aussi fausses maximes. Il suffit d’une seule des trois, mise en pratique, pour faire échouer totalement un drame que la nouveauté de la conception, l’attrait du style, la noblesse et la vérité des sentiments qui y sont exprimés, la fraîcheur et l’aimable variété des scènes familières qu’il retrace à nos yeux, eussent rendu digne de nous plaire.

Lorsqu’à présent je vais au théâtre et que l’auteur, au premier acte, met sur la scène un bancal, je n’ai aucun doute sur ce qui va m’arriver ; je verrai le bancal avant la fin de la soirée, remporter le prix dans un match de course à pied. Comment se fera-t-il qu’il coure si bien, étant bancal ? Probablement parce qu’il est bancal, et non pour un autre motif. L’auteur,