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xve siècle bourgeois. Elle dit la vie des corporations aussi clairement et aussi minutieusement que Pierrefonds raconte la vie d’un grand baron féodal. La Grand’Place de Bruxelles est comme Prague, un poème de pierre, et, comme Nuremberg, un conte fantastique, écrit en charpentes, en ferrures et en maçonneries par des corps de métier faisant liesse. Mais Prague, vu du pont, a un aspect de fantôme planant sur la Moldau ; et ne trouvez-vous pas que Nuremberg sent un peu le moisi ? La Grand’Place de Bruxelles, au contraire, est vivante ; on y respire un air doux et frais ; la richesse et la multitude des détails d’architecture semblent nous figurer une foule animée et joyeuse, qui nous remet en action tout le passé et le passé de toutes les époques ; je crois apercevoir du monde à toutes les fenêtres de l’Hôtel de Ville ; ce sont les bourgeois et les héros des journées de septembre qui attendent l’armée française revenant d’Anvers ? elle va faire son entrée aujourd’hui même. Voici que, par la rue des Étuves, descendent vers la Grand’Place les bannières des charpentiers, des archers, des brasseurs, des chapeliers, des fripiers, des bouchers, qui sont sortis cette nuit du fin fond du xve et du xvie siècles pour venir amicalement au-devant des Français de l’an 1832 ; et qu’est-ce que j’aperçois là-bas, du côté du marché aux Herbes ! C’est Isaac Laquedem, en per-