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quartier devant lequel nous passons ? » Il vous répond : « Si v’plaît ! descendez ; vous le demanderez au maître de la maison. » C’est cela qui vous embrouille si vous ne possédez pas la clef de ce jargon. Je ne hais pas les cochers de Bade, de Francfort, de Hambourg, de Cologne, de Munich et de Berlin. Je les trouve plus doux à vivre que ceux de Paris. Le désagrément est qu’ils sont trop instruits : on ne peut pas s’enquérir auprès d’eux d’un monument, sans qu’ils vous dévident toute l’histoire du pays depuis Barberousse et les Othon jusqu’à Guillaume 1er, et encore a-t-on peur qu’ils ne remontent des empereurs d’Allemagne à ceux de Babylone. À la bonne heure le cocher flamand ! quelle ignorance géniale ! Quelle philosophie profonde de simple d’esprit ! Vous le faites arrêter devant les statues d’Egmont et de Horn ; vous vous informez auprès de lui des personnages que ces deux statues enlacées peuvent bien représenter. Il vous dit avec flegme et sans long développement : « C’est des gens qui autrefois s’est coupé la tête, sais-tu. » Nous dirions tout au moins ici qu’ils se sont fait couper la tête. Mais que l’ellipse de là-bas est nourrie de choses ! En effet, les deux héros de l’indépendance des Pays-Bas « s’est coupé la tête » eux-mêmes, à le bien prendre, puisqu’ils ont combiné de leur plein gré une foule de manigances