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eût trouvé moyen d’introduire, en bas-relief, le pont de Brixen, dans le monument consacré au fils. La statue de la place Malesherbes en eût reçu un reflet des grandes guerres qui n’eût pas été inutile pour en relever l’intention et le prix.

Ce n’est pas moi qui me plaindrai qu’on ait élevé une statue à Alexandre Dumas. Depuis que je sais lire, j’ai conçu pour ces deux prodiges, Dumas et Scribe, une passion infatigable et stupide contre laquelle n’ont jamais prévalu les protestations de la rhétorique, de la poétique et de l’esthétique. J’ai encore aujourd’hui les yeux et les oreilles d’un enfant de dix ans pour ces beaux contes de nourrice qui s’appellent les Trois Mousquetaires et les Diamants de la Couronne. Mais il faut quelque ordre et quelque hiérarchie dans les statues. Seul, entre les poètes, les romanciers et les dramaturges du xixe siècle, seul, Dumas, tout seul, est statufié. Dumas a son monument dans une ville où Lamartine, qui l’a sauvée d’elle-même, Lamartine, poète incomparable, grand historien, grand tribun, grand homme d’État, n’a pas le sien. Dumas trône et s’espace au plus bel endroit ; et le plus illustre des enfants de Paris est encore juché à l’étroit, et comme par charité, sur une fontaine, au carrefour d’une rue démodée et de trois rues mal famées. On est tenté de dire que Dumas, en conquérant, à lui seul encore, une