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petit livre, ni qu’en le composant, il avait façonné son œre perennius. Il n’a point osé mettre son nom aux Contes, de son vivant ; d’où l’on est autorisé à conclure qu’il estimait que cette bagatelle n’était pas trop digne d’un homme qui avait eu l’honneur d’écrire Saint-Paulin, à la confusion de l’antiquité grecque et latine. Il a fait un chef-d’œuvre égal à tous ceux de son siècle, et il n’a pas su ce qu’il faisait, lui, critique si ingénieux ! Il y a aussi une autre chose qu’il n’a pas vue du tout, à ce que nous assure M. Lefèvre, qui est homme de goût et de discernement, mais mythologue. Il paraît qu’il est prouvé par la linguistique, unie avec la haute mythologie, que les Contes de Perrault, en leur substance, ne sont qu’une dégénérescence vile des plus beaux mythes cosmiques. Le loup qui croque le petit Chaperon rouge, Barbe-Bleue, le Chat botté, ne représentent rien autre que le Soleil à l’état de dégradation, le Soleil, déchu de son rang de maître de l’univers ; le Chaperon rouge est l’Aurore, que dévore chaque matin le Soleil, et le Petit-Poucet a sa racine dans la Grande-Ourse, d’où il s’est laissé dégringoler.

Franchement, Perrault ne pouvait pas savoir ça.