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a conté le Chaperon rouge, Barbe-Bleue, le Chat botté, Cendrillon et le Petit Poucet. Je laisse de côté la Belle au bois dormant, où Perrault ne montre pas encore qu’il soit tout à fait maître de son instrument, et Riquet à la houppe, dont le sujet prêtait trop à l’ingéniosité et l’exigeait trop. Les cinq contes auxquels je me tiens sembleraient écrits de ce matin, s’il était permis de supposer que notre idiome actuel a gardé ce naturel achevé, cette flexibilité dans la solidité. Aucun terme de ces cinq contes n’est fané, aucun son n’en est fêlé. Perrault, à la vérité, a fait exprès de sertir dans sa prose un certain nombre de locutions et de formules qui, au xviie siècle, étaient déjà depuis longtemps tombées en désuétude à la cour et à la ville, si ce n’est dans les bourgs de Touraine, de Saintonge et d’Aunis. Ces locutions faisaient partie de son merveilleux spécial ; elles y ajoutaient du mystère. Il les a si bien choisies et si heureusement enchâssées qu’elles restent jeunes, à travers les âges. Par exemple : « Tire la chevillette, la bobinette cherra. » C’est encore tout battant neuf, cela. La chevillette ! La bobinette ! On dirait d’un joujou exotique qui frétille entre les mains d’un petit diable de dix ans ! On dirait le rire argentin de l’enfance.

Les Contes obtinrent le succès dès leur apparition. Je ne crois pourtant pas que Perrault se soit douté, avant de mourir, des vertus exceptionnelles de son