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«  Et comme nous avons eu le mot d'ordre, continuait le frère, nous avons passé la Grande Muraille. Nous sommes dans une forêt si-grande qu'elle n'a pas de. bout, grande comme toute l'Asie, Et dans la forêt, il y a tous les animaux qu'on peut s'ima- giner des lions et des tigres, des cerfs et des chevreuils, des éléphants et des girafes, et un autre encore, qui est le plus drôle de tous, un animal qu'on ne trouve pas ailleurs, la licorne. » Et toutes les fois que le petit entendait parler de la licorne, il ouvrait de grands yeux et écoutait bouche bée. Et l'autre la lui décrivait aussi exactement que s'il venait de la voir « C'est un animal à peu près comme un cheval, et tout blanc. Mais pas blanc comme un cheval blanc beaucoup plus blanc encore, comme on ne peut pas dire. Sur le front elle a une corne, mais pas une corne recourbée comme celle du rhinocéros, mais toute droite, et longue, et pointue comme une lance. Elle a quatre sa- bots un d'or, l'autre d'argent le troisième est noir comme un charbon, et le quatrième est une pierre bleue, comme celles que maman porte autour du cou. » Notre mère portait en effet un collier d'améthyste. L'aîné avait tant de plaisir à imaginer et à raconter tout cela, que souvent il ne pouvait pas s'arrêter, et qu'il faisait parfois presque nuit quand ils descendaient de leur arbre et rentraient à toutes jambes à la maison. Et de tout ce qu'il avait entendu le petit était si bourré, comme un petit canon, qu'il n'y pouvait plus tenir, mais avait besoin de se décharger sur quelqu'un c'était ordinairement sur la mère. Il courait à elle les bras ou- verts et éclatait de rire « Maman, maman, sais-tu quel est le mot d'ordre pour passer la Grande Muraille? Plum Pudding! Plum Pudding! » E. VON WILDENBRUCH, Jalousie. Traduit spécialement de l'allemand par .M . Maurice Cahen.