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Je crie. Ma mère accourt elle me tire de l'eau, me donne quelques claques, et, devant elle, trempé comme un caneton, me faisant filer vers le Mas «  Que je t'y voie encore, vaurien, vers le fossé J'allais cueillir des fleurs de glais. Oui, va, retournes-y, cueillir tes glais, et encore tes glais. Tu ne sais donc pas qu'il y a un serpent dans les herbes caché, un gros serpent qui hume, qui hume les oiseaux et les enfants, vaurien?»» Et elle me déshabilla, me quitta mes petits souliers, mes chaussettes, ma chemisette, et, pour faire sécher ma robe trem- pée d'eau et ma chaussure, elle me chaussa mes sabots et me mit ma robe du dimanche en me disant «  Au moins, fais attention de ne pas te salir. » Et me voilà encore dans l'aire; je fais sur la paille fraîche quelques jolies cabrioles; j'aperçois un papillon blanc qui vol- tige dans un,chaume. Je cours, je courts après, avec mes che- veux blonds flottant au vent hors de mon béguin. et paf! me voilà encore vers le fossé du Puits à roue. Oh mes belles fleurs jaunes Elles étaient toujours là, fières au milieu de l'eau, me faisant montre d'elles, au point qu'il ne me fut plus possible d'y tenir. Je descends bien doucement, bien doucement sur le talus; je place mes petons bien ras, bien ras de l'eau; j'envoie la main, je m'allonge, je m'étire tant que je puis. et, patatras! 1 jé me fiche jusqu'au derrière dans la vase. Aïe! aïe aïe! Autour de moi, pendant que je regardais les bulles gargouiller, et qu'à travers les herbes je croyais entrevoir de gros serpents, j'entendais crier dans l'aire «  Maîtresse courez vite, je crois que le petit est encore tombé à l'eau » Ma mère accourt, elle me saisit, elle m'arrache tout noir de la boue puante, et, la première chose, troussantma petite robe, vlin vlan elle m'applique une fessée retentissante. « Y retourneras-tu, entêté, aux fleurs de glais? Y retourneras- tu pour te noyer?. Une robe toute neuve, que voilà perdue! Fripe-tout, petit montre qui me feras mourir de transes 1 Et, crotté et pleurant, je m'en revins donc au Mas, la tête basse, et de nouveau on me dévêtit et on me mit cette fois ma robe des jours de fête. Oh la galante robe Je l'ai encore de-' vant les yeux, avec ses raies de velours noir, pointillée d'or sur fond bleuâtre. Mais, bref, quand j'eus sur moi ma belle robe de velours «Et maintenant, dis-je à ma mère, que vais-je faire? Va garder les gelines (1), me dit-elle; qu'elles n'aillent pas dans l'àire. Et toi, tiens-toi à l'ombre. » 1. Gdine; ancien noy de la poulo.