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Tandis que la voix de Tristan montait sous la futaie, les charbonniers écoutaient attentivement, et la vieille mère dode- linait de la tête en mesure. Les yeux de Brunille brillaient comme deux charbons ardents, et les gars souriaient. On sentait que tous avaient bien compris les couplets, et qu'ils en étaient à la fois touchés et flattés. Nous nous quittâmes avec de cordiales poignées de main. La nuit était venue les six fourneaux jetaient de distance en dis- tance leur rouge lueur, sur laquelle s'enlevaient en noir les fûts élancés des hêtres et les silhouettes des charbonniers. Nous étions déjà loin que nous entendions encore leurs voix unies entonner le dernier couplet. « Voilà une bonne journée, murmurai-je; nous avons donné un peu de joie à ces braves gens, et nous nous en retournons nous-mêmes plus légers et plus joyeux. Comprends-tu maintenant pourquoi je ne veux pas vivre hors de la forêt? » s'écria Tristan, dont la voix vibrait et dont les yeux jetaient des éclairs d'enthousiasme. ANnRi; THEURIET, Sous bois (Fasquelle; édit.) . La Chambre de chauffe Jack est un ncalheureux enfant qui, né dans un milieu riche, connait bientot toutes les misères de la vie. 1)'abord apprenti ouvrier l'usine d'lndret, le voici maintenant qtci uient s'engager cornue chauffeur sur un transatlantique, le Cydnus. jf7 est accompagné d'un uieil ami, le père JFloudic, et s'installe sous la conduite du mécanicien chef Blanchet. Jack, QUI n'avait jamais vu de « transatlantique », était stu- péfait de la grandeur, de la profondeur de celui-ci. On des- cendait dans un abîme où les yeux, qui venaient de la grande lueur du jour, ne distinguaient ni les êtres, ni les objets. 11 faisait nuit, une nuit de mine, éclairée de fanaux accrochés, étouffée d'un manque d'air et d'une chaleur croissante. Une dernière échelle, descendue il, tâtons, les conduisit dans la chambre aux machines, véritable étuve qu'une chaleur mouil- lée et lourde, mêlée à une forte odeur d'huile, emplissait d'une atmosphère insupportable, d'une buée flottante au-dessus de laquelle, à trois ou quatre étages plus haut, apparaissait dans le carré d'un soupirail le bleu du ciel. Une grande activité régnait là. Les mécaniciens, les aides, les élèves, allaient, venaient, passaient une revue générale de la machine, s'assurant si toutes les pièces étaient exactes et libres dans leur jeu. On venait de flair le plein des chaudières, et déjà elles tiraient et grondaient furieusement, Le fer, le cui- vre, la fonte, astiqués d'huile bouillante, luisaient, étinçelaient;