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par aucune telle comparaison, je pense savoir par démonstration qu’elle est fausse. » (II, p. 368.)

La même opposition se retrouve au sujet des idées simples, dont on peut croire que la doctrine est liée aux idées précédentes, quoique Leibniz l’ait bien différemment développée. Toujours est-il que les idées simples sont bien loin en Descartes de constituer le monde comme en Leibniz. Ces idées simples, qui se conçoivent premièrement et par elles-mêmes, on ne les explique qu’en les obscurcissant, car, si on veut les expliquer, ou on explique autre chose sous leur nom, ou l’explication n’a aucun sens. Tout cela, il est vrai, Descartes le dit. Il ajoute même que ces natures simples « ne contiennent jamais rien de faux ». (Regulae, X, p. 420.) Mais loin de constituer le monde par leur enchevêtrement, elles n’appartiennent même pas au monde considéré en soi ; elles ont rapport à notre esprit ; ainsi souvent quaedam… sub una quidem consideratione magis absoluta sunt quam alia, sed aliter spectata sunt magis respectiva[1] (X, p. 382) ; et Descartes ajoute : intelligatur nos hic rerum cognoscendarum series, non uniuscujusque naturam spectare[2]. Aussi l’ensemble des idées claires est-il bien loin de constituer un entendement divin ; au contraire, suivant une doctrine qui a toujours semblé obscure, mais à laquelle Descartes attachait une grande importance, les vérités éternelles tirent leur être du seul décret de Dieu, tout comme les essences en Platon sont créées et nourries par le soleil du Bien. Car, écrit

  1. « Certaines choses, en effet, à un certain point de vue, sont plus absolues que d’autres ; mais, considérées autrement, elles sont plus relatives. »
  2. « … pour mieux faire comprendre que nous considérons ici les séries des choses à connaître et non la nature de chacune d’elles… »