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d’autres théorèmes… on ne voit point si bien ce qu’on fait, si ce n’est qu’on ait la démonstration du théorème fort présente à l’esprit ; et en ce cas on trouve, quasi toujours, qu’il dépend de la considération de quelques triangles, qui sont ou rectangles ou semblables entre eux, et ainsi on retombe dans mon chemin » (IV, p. 38).

Au reste il est clair que l’initiative hardie, et après quelque temps presque universellement imitée, par laquelle Fourier, dans ses célèbres études sur la chaleur, négligea l’intermédiaire de la mécanique pour appliquer directement l’analyse à la physique, ne faisait que répéter, sur une autre matière, la Géométrie de 1637. Ou plutôt, cette Géométrie n’était qu’une des applications de ce principe général, appliqué aujourd’hui dans toutes les études qui le comportent, que les rapports entre les quantités sont le seul objet du savant. L’on peut même penser que Descartes aurait devancé la science moderne en se servant de l’analyse pour la physique comme pour la géométrie, s’il avait eu entre les mains un instrument assez élaboré. Il ne faut pas s’étonner que l’inventeur de cette vue hardie n’ait eu, comme nous l’avons remarqué, que mépris pour ce que Spinoza appellera la connaissance du premier genre. Pas plus que Spinoza il ne croit qu’on puisse être sage sans philosopher, et nul n’a employé à ce sujet des expressions plus fortes. « C’est proprement avoir les yeux fermés, dit-il dans la préface des Principes, sans tâcher jamais de les ouvrir, que de vivre sans philosopher… et enfin cette étude est plus nécessaire pour régler nos mœurs, et nous conduire en cette vie, que n’est l’usage de nos yeux pour conduire nos pas. » Enfin l’on ne s’étonnera pas que celui qui écarte résolument les idées « qui se forment dans l’imagination par l’entremise de