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a corpore, vel ab invicem ; si vero considerentur simpliciter, ut per intellectum abstractae, tunc non magis diversae sunt species quantitatis, quam animal et vivens in homine sunt diversae species substantiae[1]. (X, p. 448.) Les mathématiques étaient ainsi délivrées de la superstition par laquelle chaque figure avait comme sa quantité propre. Les figures ne furent plus dès lors que des données qui posaient des rapports de quantité ; il ne fallait plus qu’adapter les signes arithmétiques à cette nouvelle espèce de rapports ; mais déjà Viète, en créant l’algèbre, les avait adaptés à tous les rapports possibles. Les courbes elles-mêmes furent définies par la loi, c’est-à-dire par la formule, qui les rapprochait ou les éloignait, à mesure qu’elles étaient tracées, d’une droite arbitrairement choisie. Bref, à partir de 1637, l’essence du cercle, selon l’expression que devait employer Spinoza, n’était plus circulaire. Toutes les figures furent comme dissoutes, la droite subsista seule et les géomètres cessèrent, à l’exemple de Descartes, de considérer « d’autres théorèmes, sinon que les côtés des triangles semblables ont semblable proportion entre eux, et que dans les triangles rectangles le carré de la base est égal aux deux carrés des côtés… Car… si l’on tire d’autres lignes et qu’on se serve

  1. « … Toutes ces choses sont équivalentes, si on les considère seulement sous le rapport de la dimension, comme on doit le faire ici et dans les sciences mathématiques… Cette considération jette un grand jour sur la géométrie, car la plupart des hommes ont le tort de concevoir dans cette science trois espèces de quantités : la ligne, la surface et le corps. Il a déjà été dit, en effet, que la ligne et la surface ne sont pas conçues comme vraiment distinctes du corps, ou comme distinctes l’une de l’autre ; mais si on les considère simplement en tant qu’abstraites par l’entendement, elles ne sont pas plus, pour lors, des espèces différentes de quantités que l’animal et l’être vivant ne sont dans l’homme différentes espèces de substances. »