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mètres anciens raisonnaient, il est vrai, non pas sur le triangle ou le cercle qu’ils avaient devant les yeux, mais sur le triangle ou le cercle en général ; ils restaient pourtant comme collés au triangle ou au cercle. Comme leurs démonstrations s’appuyaient sur l’intuition, elles gardaient toujours quelque chose de propre à l’espèce de figure qu’elles avaient pour objet. Quand Archimède eut mesuré l’espace enfermé par un segment de parabole, cette admirable découverte ne fut pourtant d’aucun secours pour les recherches analogues concernant, par exemple, l’ellipse ; car c’étaient les propriétés particulières de la parabole qui, au moyen d’une construction impraticable ou inutile pour toute autre figure, rendaient cette mesure possible. Descartes a compris le premier que l’unique objet de la science, ce sont des quantités à mesurer, ou plutôt les rapports qui déterminent cette mesure, rapports qui, dans la géométrie, se trouvent seulement comme enveloppés dans les figures, de même qu’ils peuvent l’être, par exemple, dans les mouvements. C’est après cette intuition de génie qu’à partir de Descartes les géomètres cessèrent de se condamner, comme avaient fait les géomètres grecs, à ne faire correspondre une expression ayant un degré quelconque qu’à une étendue ayant un nombre de dimensions correspondant, lignes pour les quantités simples, surfaces pour les produits de deux facteurs, volumes pour les produits de trois. En effet : Omnia eodem se habent modo, si considerentur tantum sub ratione dimensionis, ut bic et in Mathematicis disciplinis est faciendum… Cujus rei anidmadversio magnam Geometriae adfert lucem, quoniam in illa fere omnes male concipiunt tres species quantitatis : lineam, superficiem et corpus. Jam enim ante relatum est, lineam et superficiem non cadere sub conceptum ut vere distinctas