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accéléré, aperçues toutes deux par Galilée, la notion de travail, définie par Descartes à propos des machines simples, la notion d’énergie, issue d’un rapprochement entre les trois précédentes. Mais si Lagrange, continuant et couronnant les efforts des Bernoulli, de d’Alembert et de plusieurs autres, donna à la mécanique classique son unité, ce fut en ramenant autant que possible la dynamique à la statique et en définissant la cohésion d’un système de corps ou de points matériels en mouvement comme un équilibre identique à celui du levier. La théorie purement mathématique de l’équilibre des corps flottants, conçue par Archimède, et qui revient à considérer les fluides comme un ensemble de leviers superposés où un axe de symétrie jouerait le rôle de point d’appui, contient en puissance toute la physique classique ; celle-ci n’est pas autre chose qu’un effort pour concevoir toutes choses dans la nature comme des systèmes de leviers, ainsi qu’Archimède avait fait pour l’eau. Il est malheureux que dans l’enseignement ces conceptions merveilleuses d’Archimède soient abaissées jusqu’à paraître des observations banales et sans intérêt. Quant à la biologie, les Grecs avaient conçu la vie et la santé de l’être vivant comme un équilibre, d’une part entre les parties, les organes, les fonctions dont se compose le corps, d’autre part entre le corps et le milieu ; il est singulier qu’on trouve dans Aristote des allusions à des théories concernant l’analogie entre la sélection pratiquée par les éleveurs et l’élimination naturelle des organismes non conformes aux conditions d’existence imposées par le milieu, ce qui est la conception essentielle de Darwin. Enfin Hippocrate a défini la méthode expérimentale aussi bien qu’on l’a jamais fait par la suite.

Mais si la science grecque est déjà la science