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l’Hypothèse, de cette question : la géométrie euclidienne est-elle vraie ? Elle n’a aucun sens. Autant demander si le système métrique est vrai et si les anciennes mesures sont fausses ; si les coordonnées cartésiennes sont vraies et si les coordonnées polaires sont fausses. Une géométrie ne peut être plus vraie qu’une autre, elle peut seulement être plus commode. » Ainsi, selon le témoignage du plus grand mathématicien de notre siècle, la mathématique n’est qu’un langage commode. Elle joue toujours, sous une forme ou sous une autre, le même rôle que nous lui voyons jouer dans les lois élémentaires de la physique, représentées par des courbes. L’expérience donne les points qui, sur le papier, représentent les mesures réellement faites ; le mathématicien fournit seulement la courbe la plus simple qui comprenne tous ces points, de manière que les diverses expériences puissent être ramenées à une seule loi. Et c’est ce qu’a aussi reconnu Poincaré. « Toutes les lois, dit-il dans La Valeur de la Science, sont tirées de l’expérience ; mais pour les énoncer, il faut une langue spéciale… Les mathématiques fournissent au physicien la seule langue qu’il puisse parler. » À cette fonction, et à celle d’indiquer au physicien des analogies entre les phénomènes par la ressemblance des formules qui les expriment, se borne, selon Poincaré, le rôle de l’analyse. C’est au point qu’à en croire ceux qui sont compétents en la matière, les savants sont arrivés à traduire l’expérience par des équations différentielles qu’ils se trouvent incapables de rapporter à l’énergie ou à la force, ou à l’espace, ou à n’importe quelle notion proprement physique. Ainsi cette science qui méprisait superbement l’intuition se trouve ramenée à traduire l’expérience dans le langage le plus général possible. Une autre contradiction concerne le rapport de la science et