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quelque mystère. Il est infiniment probable, étant donné l’intensité extraordinaire des échanges intellectuels dans le monde méditerranéen de cette époque, que les Grecs ont connu l’algèbre babylonienne longtemps avant Apollonius. La tradition attribue à Pythagore un séjour à Babylone. (D’ailleurs il n’y a pas besoin de coniques pour représenter des équations du second degré. N’importe quelle équation du second degré peut se résoudre une fois connues les propriétés du triangle inscrit dans le demi-cercle et de sa hauteur (découvertes attribuées à Pythagore), puisqu’on peut ainsi trouver deux quantités dont on connaît soit le produit et la somme, soit le produit et la différence. C’est sans doute les équations biquadratiques des Babyloniens qui sont traduites en coniques dans Apollonius.) Il est singulier que les principales étapes de la géométrie grecque semblent liées à des problèmes au fond algébriques. La tradition concernant la découverte de la similitude des triangles par Thalès (« À l’heure où l’ombre de l’homme est égale à l’homme, l’ombre de la pyramide est égale à la pyramide ») évoque une proportion dont un terme est inconnu. Je suis convaincue (bien qu’il ne puisse naturellement y avoir aucune preuve) que la découverte des propriétés du triangle rectangle par Pythagore a pour origine la recherche d’une moyenne proportionnelle entre deux quantités connues. Deux triangles semblables ayant deux côtés non homologues égaux représentent une proportion entre trois quantités.