Page:Weil - Sur la science, 1966.djvu/221

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

je ne me trompe, du ive siècle après J.-C.) ; car la géométrie algébrique des pythagoriciens est tout autre chose. Il doit y avoir là-dessous des conceptions religieuses ; apparemment la religion secrète des pythagoriciens devait s’accommoder de la géométrie et non de l’algèbre. Si l’Empire romain n’avait pas détruit tous les cultes ésotériques, on comprendrait peut-être quelque chose à ces énigmes. […]



II. EXTRAIT DE LETTRE


[…] Je ne suis pas sûre que la découverte des incommensurables soit une explication suffisante du refus obstiné des Grecs à l’égard de l’algèbre. Ils ont dû connaître l’algèbre babylonienne dès les premiers temps. La tradition attribue à Pythagore un voyage d’études à Babylone. Bien entendu, ils ont transposé cette algèbre en géométrie, longtemps avant Apollonius. Les transpositions de ce genre trouvées dans Apollonius concernent sans doute les équations biquadratiques ; celles du 2e degré peuvent toutes être résolues une fois connues les propriétés du triangle inscrit dans le demi-cercle, découverte attribuée à Pythagore. (On trouve ainsi deux quantités dont on connaît la somme et le produit, ou la différence et le produit.) Mais ce qui est singulier, c’est que cette transposition de l’algèbre en géométrie semble être, non pas un à-côté, mais le ressort même de l’invention géométrique dans toute l’histoire de la géométrie grecque.

La légende concernant la découverte de la similitude des triangles par Thalès (à l’heure où l’ombre