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L’AVENIR DE LA SCIENCE


Cet ouvrage[1] est dirigé contre l’esprit qu’on nomme scientisme. À vrai dire, il y a deux scientismes distincts : celui du xixe siècle, représenté par la pitoyable trinité Taine, Renan, Berthelot, dont Bergson a contribué à nous délivrer, mais très vivant encore dans la masse, chez les successeurs de M. Homais, de Bouvard et Pécuchet, et même chez beaucoup d’honnêtes gens ; et le scientisme contemporain, qui a perdu toute rigidité, mais par un singulier paradoxe n’en est pas moins étroit. Il s’accommode fort bien de l’antinationalisme, de l’anti-intellectualisme, du surréalisme, de tout absolument, excepté de ce qui est d’ordre authentiquement spirituel. C’est particulièrement le cas en France, où existe une école de sociologie grâce à laquelle on peut étudier les mythes, le folklore, les civilisations antiques et celles des populations de couleur sans trouver nulle part aucune trace de spiritualité. L’exposition de 1937, déjà si loin de nous, fut pour une part une manifestation du scientisme contemporain ; un homme fort cultivé et haut placé dans la hiérarchie universitaire souhai-

  1. L’Avenir de la science, par Louis de Broglie, André Thérive, Raymond Charmet, Pierre Devaux, Daniel-Rops, le R.P. Sertillanges (Paris, Plon, collection « Présences », 1941).