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du système. Ainsi, la nécessité une fois transportée parmi les atomes, la relation entre deux états d’un système définis à notre échelle ne constitue plus une nécessité, mais une probabilité ; cela non pas par suite d’une lacune dans la causalité, mais seulement par un effet inévitable de l’oscillation de la pensée entre deux échelles, et par un processus analogue à celui du jeu de dés. Un mouvement naturel de la pensée amena à rapprocher les deux probabilités surgies simultanément dans les esprits, celle qui est liée à l’entropie et celle qui est liée aux atomes, et à les regarder comme une seule et même probabilité. Cette assimilation fut l’œuvre de Boltzmann.

On part de l’idée que parmi les atomes, pour lesquels on admet seulement les nécessités mécaniques, il n’y a que des nécessités, non des différences de probabilités, et que par suite toute combinaison d’atomes est également probable. On considère un système, un état de ce système défini à notre échelle, et la quantité de combinaisons d’atomes susceptibles de lui correspondre ; la probabilité de cet état est une fonction de cette quantité, et l’on pose que l’entropie est une mesure de cette probabilité. Mais comme le calcul des probabilités est un calcul numérique, on admet, et c’est ici le moment de la rupture avec la science classique, que ces combinaisons d’atomes sont, comme on dit, discrètes, et que leur quantité est un nombre ; ainsi l’entropie est la fonction d’un nombre, elle qu’on a définie, quand on l’a inventée, comme une fonction de l’énergie, qui augmente quand celle-ci prend au moins partiellement la forme de la chaleur. La contradiction est la même que si l’on admettait, par exemple, qu’une quantité se définit comme une fonction de la distance parcourue par un coureur,