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produit quand des poids tombent ou sont soulevés. La formule de Planck, à savoir la constante , ou plus brièvement la constante h, multipliée par un nombre, ne signifie pas l’énergie. Mais elle ne signifie pas non plus une notion autre que la notion d’énergie. Elle joue le même rôle dans les calculs que la formule signifiant l’énergie, et celle-ci est regardée comme un cas limite de celle-là pour les phénomènes à l’échelle desquels la quantité , rapportée à l’unité de mesure de l’énergie, peut être négligée. Si le rapport était inverse, si la formule quantique était une limite de la formule classique, la signification serait conservée ; mais il n’en est pas ainsi. Or il n’existe pas dans la pensée humaine de notion par rapport à laquelle la notion du travail de soulever un poids puisse être considérée comme une limite valable à une certaine échelle. La formule de Planck, faite d’une constante dont on n’imagine pas la provenance et d’un nombre qui correspond à une probabilité, n’a aucun rapport avec aucune pensée. Comment est-ce qu’on la justifie ? On en fonde la légitimité sur la quantité des calculs, des expériences issues de ces calculs, des applications techniques procédant de ces expériences, qui ont réussi grâce à cette formule. Planck lui-même n’allègue rien d’autre. Pareille chose une fois admise, la physique devient un ensemble de signes et de nombres combinés en des formules qui sont contrôlées par les applications. Dès lors quelle importance peuvent bien avoir les spéculations d’Einstein sur l’espace et le temps ? Les lettres des formules qu’il traduit par ces mots n’ont pas plus de rapport avec l’espace et le temps que les lettres hv avec l’énergie. L’algèbre pure est devenue le langage de la physique, un langage qui a ceci de particulier qu’il