Page:Weil - Sur la science, 1966.djvu/144

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

modèle mécanique qui rendait parfaitement compte de tous les faits connus à son époque concernant les astres. L’idée d’un même mobile accomplissant en même temps plusieurs mouvements différents qui se composent en une certaine trajectoire est le fondement même de la cinématique et permet seule de concevoir une composition de forces ; nous avons seulement remplacé les mouvements circulaires par des mouvements droits, et introduit l’accélération. C’est là la seule différence entre notre conception du mouvement des astres et celle d’Eudoxe, car bien que Newton ait beaucoup parlé de force d’attraction, la gravitation n’est pas autre chose qu’un mouvement uniformément accéléré dans la direction du soleil. Archimède fonda non seulement la statique, mais la mécanique tout entière par sa théorie purement mathématique de la balance, du levier, du centre de gravité ; et sa théorie de l’équilibre des corps flottants, elle aussi purement mathématique, et qui revient à considérer les fluides comme un ensemble de leviers superposés où un axe de symétrie jouerait le rôle de point d’appui, contient en germe toute la physique. C’est bien à tort que dans l’enseignement on abaisse aujourd’hui ces conceptions merveilleuses au rang des observations empiriques les plus dénuées d’intérêt. Il est vrai que la dynamique, fondée sur la considération du mouvement uniformément accéléré, constitua au xvie siècle une nouveauté ; mais si, grâce aux Bernoulli, à d’Alembert et à Lagrange on parvint à réduire toute la dynamique à une formule unique, ce fut en la ramenant autant que possible à la statique, en définissant la cohésion d’un système de corps ou de points matériels en mouvement comme un équilibre identique à celui du levier. La science classique n’est qu’un effort